La complication Sonnerie

La complication Sonnerie

Dans le monde de l'horlogerie, certaines complications sont plutôt courantes et faciles à croiser au quotidien, comme le jour ou la date. Mais il existe aussi des fonctions d'exception, et c'est bien dans cette seconde catégorie que se situe la complication sonnerie : une fonction sonore autonome, à la fois raffinée et pleine de surprises !

La complication Sonnerie : c'est quoi ?

En horlogerie, la sonnerie est, tout comme la fonction alarme, une complication sonore, que l'on appelle aussi « complication acoustique ». Elle se décline en trois grandes familles :

  • La Grande sonnerie : elle combine la répétition à la demande et la sonnerie au passage des heures, des quarts, voire des demis. En pratique, elle sonne automatiquement les heures et les quarts à chaque quart, à l'image d'une petite horloge domestique. Elle est considérée comme l'une des complications horlogères les plus impressionnantes au monde.
  • La Petite sonnerie : elle assure la répétition à la demande et sonne au passage les quarts, voire les demis, mais pas les heures (les heures ne sont répétées qu'à l'heure pleine).
  • La sonnerie au passage : elle se déclenche seule à chaque heure et peut, selon les modèles, indiquer également les demis et les quarts.

La distinction entre ces types de sonneries est capitale car toutes ne sonnent pas de la même manière ! Et comme il est souvent impossible de les différencier simplement en regardant le cadran ou le boîtier de la montre, il faut tendre l'oreille et prendre le temps d'écouter attentivement pour savoir de quel type de sonnerie il s'agit.

Différentes montres à sonnerie (Source : The Peak Magazine)

Différentes montres à sonnerie (Source : The Peak Magazine)

Il est également important de ne pas confondre la sonnerie avec la répétition minutes. Cette dernière nécessite d'être activée manuellement, généralement via un curseur (bouton glissant) situé sur la tranche gauche du boîtier. Les sonneries, elles, se déclenchent automatiquement, sans intervention de votre part. C'est là toute la différence entre ces deux systèmes horlogers : les montres dotées d'une sonnerie (grande, petite ou au passage) ne comportent aucun bouton on/off permettant de déclencher leur sonnerie à n'importe quel moment.

Et comme nous allons le voir, la sonnerie n'a pas été élaborée en quelques jours… Elle est le fruit de siècles d'adaptations horlogères, qui ont permis de la miniaturiser suffisamment pour qu'elle puisse tenir dans le mince boîtier d'une montre de poignet.

Histoire de la complication Sonnerie

Pour découvrir les premières créations horlogères intégrant un dispositif de sonnerie, il faut remonter plusieurs siècles en arrière… Nous sommes alors au 15ème siècle, bien avant l'apparition des montres portées au poignet. Cependant, il existait déjà des horloges domestiques capables de sonner les heures au passage.

Bien que volumineux, ces modèles étaient considérés comme révolutionnaires pour leur époque. Imaginez ! Ces horloges déclenchaient d'elles-mêmes une sonnerie à chaque heure, permettant de percevoir le temps qui passe à l'oreille. Elles possédaient déjà ce petit quelque chose de magique qui fascine aujourd'hui encore.

Un siècle plus tard, au 17ème siècle, certains horlogers d'Angleterre et d'Allemagne accompliront un véritable exploit, celui miniaturiser le système de sonnerie des horloges domestiques pour l'adapter aux montres de poche. C'est ainsi que sont nés les premiers garde-temps portatifs à complication sonnerie.

Ces modèles portatifs étaient cependant extrêmement coûteux à produire, et donc réservés à une élite capable de s'offrir de telles merveilles. Parmi eux, Edward East, horloger du roi Charles II, conçut une série de montres embarquant une sonnerie au passage avec répétition des quarts, et ce dès la première moitié du 17ème siècle. Étonnant, non ?

Portrait d'Edward East, 1602-1696 (Source : Worn & Wound)

Portrait d'Edward East, 1602-1696 (Source : Worn & Wound)

Considérées comme les plus anciennes pièces de ce type, ses créations sont aujourd'hui exposées dans diverses collections. Si vous prévoyez un voyage en Angleterre, vous pourrez admirer certaines de ces merveilles au British Museum.

Toujours en Angleterre, l'horloger et mécanicien Samuel Knibb proposa, durant la même période, des pièces portatives au design résolument contemporain pour l'époque. Ces modèles impressionnent par leurs caractéristiques techniques et esthétiques.

Horloge de table par Samuel Knibb, circa 1665 (Crédit : The Clockmaker's Charity)

Horloge de table par Samuel Knibb, circa 1665 (Crédit : The Clockmaker's Charity)

Le modèle présenté ci-dessus est remarquable. Son cadran en laiton doré est compact (23 cm de côté), et son boîtier en chêne massif plaqué ébène abrite un mouvement mécanique à remontage manuel offrant une réserve de marche de 8 jours. En plus de sonner les heures au passage, cette horloge annonce également les demi-heures, un vrai petit bijou de précision !

En France, les premières horloges à sonnerie au passage apparaîtront un peu plus tard, à la fin du 17ème siècle, sous le règne de Louis XIV. L'horloger du roi, Isaac Thuret, élabora des pendules ornées de détails exquis, témoignant du savoir-faire horloger français de l'époque.

Horloge de table par Isaac Thuret, circa 1680 (Source : Gazette Drouot)

Horloge de table par Isaac Thuret, circa 1680 (Source : Gazette Drouot)

Réalisées en métal ou en bois, les créations d'Isaac Thuret se veulent également très compactes. Pour vous donner un ordre d'idée, certaines de ses pièces capables de sonner les heures et les demi-heures présentaient un gabarit de 24 cm de large pour à peine 16 cm de haut. Les horloges portatives imaginées par Thuret peuvent aujourd'hui nous paraître assez massives, mais il ne faut pas oublier qu'elles ont été fabriquées il y a environ 350 ans, à une époque où les gens s'éclairaient à la bougie… et où le champagne n'existait pas !

Au 18ème siècle, un autre horloger français, Antoine Thiout, se distingue également par des pièces intéressantes. Auteur du Traité d'Horlogerie Mécanique et Pratique, ses garde-temps se caractérisent par une esthétique unique mêlant technicité horlogère et art décoratif.

Horloge « Obelisk » par Antoine Thiout, circa 1760 (Source : Jacques Nève)

Horloge « Obelisk » par Antoine Thiout, circa 1760 (Source : Jacques Nève)

Mais qu'en est-il des montres de poche ? Dès le 17ème siècle, certaines montres à gousset étaient déjà dotées d'une complication sonnerie au passage, développées en Allemagne, en Angleterre et en République tchèque. Malheureusement, très peu d'informations subsistent à leur sujet.

Ce qui est certain, c'est que toutes les horloges à sonnerie au passage que nous avons vues ont préparé le terrain pour des pièces horlogères techniquement plus impressionnantes encore. C'est ainsi que naissent les premières montres à petite et grande sonnerie, inspirées des clochers d'église et capables de sonner les quarts d'heure en plus des heures.

Les premières montres à gousset équipées d'une sonnerie ont demandé un travail de miniaturisation extrême, car il fallait adapter un système sonore initialement conçu pour des horloges massives à un boîtier souvent plat et parfois réduit à quelques millimètres d'épaisseur. Ce processus a commencé avec les horloges domestiques, puis les horloges portatives, avant de passer aux montres sphériques portatives et enfin aux montres de poche telles que nous les connaissons.

Ces premières itérations apparaissent entre la fin du 18ème siècle et le début du 19ème siècle. Souvent anonymes, elles ne portent pas de signature de marque comme aujourd'hui, mais leur qualité est exceptionnelle. Réalisation en or jaune massif 18 carats (750/1000), boîtier finement ciselé, détails raffinés… Elles se situent à mi-chemin entre l'horlogerie et l'orfèvrerie.

Montre de poche anonyme à sonnerie, fin 18ème / début 19ème (Source : Antiques de Laval)

Montre de poche anonyme à sonnerie, fin 18ème / début 19ème (Source : Antiques de Laval)

Au 19ème siècle, il est également possible de trouver des modèles similaires, mais avec un boîtier en argent massif. En plus de la grande sonnerie, certains modèles signés par de grands noms embarquent une fonction alarme, très pratique pour se réveiller le matin !

Montre de poche à sonnerie et alarme signée Breguet, circa 19ème (Source : MacauTimepiece Museum)

Montre de poche à sonnerie et alarme signée Breguet, circa 19ème (Source : MacauTimepiece Museum)

Leur cadran est souvent en émail blanc, un matériau laiteux et brillant très prisé à l'époque. Dès le début du 20ème siècle, les montres de poche à sonnerie deviennent encore plus complexes, intégrant parfois un calendrier ou une complication phase de Lune. Bref, leur nombre de fonctions s'accroît.

Montre de poche anonyme à sonnerie, calendrier et phase de Lune, circa 1910 (Source : Tajan)

Montre de poche anonyme à sonnerie, calendrier et phase de Lune, circa 1910 (Source : Tajan)

D'ailleurs, à ce moment-là, toutes les montres dotées d'une complication sonnerie sont encore des montres de poche. Les montres à porter au poignet commencent certes à se démocratiser, mais elles restent bien trop petites pour embarquer une fonction sonore de ce type.

Pour les horlogers, réduire la taille des composants représente un défi colossal. Il faudra attendre la fin du 20ème siècle pour voir apparaître les premières montres-bracelets équipées d'une sonnerie, qu'il s'agisse d'une petite ou d'une grande sonnerie.

Longtemps jugé impossible, cet exploit est finalement réalisé par Philippe Dufour en 1992 ! Une date historique dans le monde de l'horlogerie, puisque c'est à ce moment qu'il présente une montre bracelet de 41 mm de diamètre, entièrement réalisée à la main et dotée de grande sonnerie, d'une petite sonnerie et d'une répétition minutes.

Philippe Dufour Grande sonnerie, 1992 (Source : SJX Watches)

Philippe Dufour Grande sonnerie, 1992 (Source : SJX Watches)

Son cadran en émail, ses index en chiffres romains, ses aiguilles Breguet et sa petite seconde à 6 heures rappellent subtilement l'esthétique des montres à gousset d'antan. Il est important de noter que Philippe Dufour avait, auparavant, réalisé cinq montres de poche à grande et petite sonnerie pour Audemars Piguet, une manufacture qui, la même année, dévoilera une montre techniquement assez similaire.

Audemars Piguet Jules Audemars à Grande Sonnerie, circa 1992 (Source : Sotheby's)

Audemars Piguet Jules Audemars à Grande Sonnerie, circa 1992 (Source : Sotheby's)

Il aura fallu trois années de recherche et développement pour concrétiser ce modèle. Les horlogers de la Maison Audemars Piguet se sont lancés dans ce projet en 1989, et ce n'est qu'en 1992 que la Jules Audemars à Grande Sonnerie fût présentée à Bâle. Réalisée en seulement 50 exemplaires, cette montre cache bien son jeu… Derrière son cadran apparemment simple et son classique boîtier de 38,5 mm en or rose 18 carats (750/1000), se trouve le calibre 2868, un mouvement mécanique de 51 rubis intégrant une grande et une petite sonnerie.

Au début du 21ème siècle, en 2006, c'est Seiko qui surprend avec une montre de poignet à sonnerie au passage. Intégrée à sa collection Credor, cette pièce adopte un style différent de ce que la marque japonaise propose habituellement.

Seiko Credor Spring Drive Sonnerie GBLQ998, 2006 (Source : MasterHorloger)

Seiko Credor Spring Drive Sonnerie GBLQ998, 2006 (Source : MasterHorloger)

Si la ligne Credor se distingue souvent par sobriété et élégance, la référence GBLQ998 adopte un style futuriste. Animée par le mouvement hybride Spring Drive, elle présente un cadran entièrement squeletté dont la teinte gris métal se fond harmonieusement avec le calibre.

Quelques années plus tard, en 2020, Patek Philippe dévoile un modèle étonnant : la référence 6301P. Avec son boîtier de 37 mm et son épaisseur de seulement 7,5 mm, cette montre offre une double complication sonore combinant grande et petite sonnerie.

Patek Philippe réf. 6301P, circa 2020 (Source : La Cote des Montres)

Patek Philippe réf. 6301P, circa 2020 (Source : La Cote des Montres)

Son cadran affiche également un double indicateur original : à 3 heures, la réserve de marche de la sonnerie, et à 9 heures, la réserve de marche du mouvement. Une première mondiale !

Enfin, si l'on s'interroge sur le prix d'une telle pièce neuve, la Patek Philippe 6301P figure encore au catalogue en fin 2025, à 1 442 000 €.

Digression faite, revenons à notre fil historique ! comme nous l'évoquions au début de ce guide, les montres à sonnerie tirent leur inspiration des clochers des églises. Il serait donc incomplet de parler de la complication sonnerie sans mentionner la MeisterSinger Bell Hora Edition Notre-Dame, réalisée en collaboration avec Ocarat.

Meistersinger Bell Hora Edition Notre-Dame x Ocarat (Source : Mr Montre)

Meistersinger Bell Hora Edition Notre-Dame x Ocarat (Source : Mr Montre)

Sortie en 2024, pour célébrer la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, cette montre en édition limitée à 70 exemplaires présente un cadran finement ouvragé et une sonnerie au passage, délivrant un discret et agréable « ding » à chaque heure.

Des premières horloges domestiques du 15ème siècle aux montres de poignet contemporaines, en passant par les inventions portatives du passé, l'histoire de la complication sonnerie est riche et fascinante. Et si un seul enseignement devait être retenu, ce serait le suivant : les montres-bracelets dotées d'une sonnerie sont extrêmement récentes, qu'il s'agisse de sonnerie au passage, petite sonnerie ou grande sonnerie.

Maintenant que vous connaissez l'histoire des montres à sonnerie, que diriez-vous de découvrir comment celles-ci fonctionnent ?

Comment fonctionne la complication Sonnerie ?

Qu'il s'agisse d'une sonnerie au passage, d'une petite ou d'une grande sonnerie, le principe d'une montre à sonnerie repose sur un système mécanique d'une rare sophistication. Son rôle est de transformer l'énergie emmagasinée dans la montre en une séquence de sons rythmés, permettant de « lire » l'heure à l'oreille, sans même avoir à regarder le cadran de la montre. Mais ça, vous le savez désormais !

Maintenant, entrons dans les explications un brin plus techniques pour voir comment tout cela est orchestré…

Tout d'abord, il faut savoir que contrairement à une répétition minutes, qui se déclenche à la demande, la sonnerie agit de manière autonome. Elle frappe automatiquement les heures, les quarts et parfois les demis selon le type de mécanisme. Pour que cette fonction reste opérationnelle tant que la montre tourne, les horlogers ont conçu un système d'alimentation distinct.

Le ressort moteur de la sonnerie n'a pas à être remonté indépendamment et cela n'a rien d'un oubli horloger ! Si c'était le cas, la sonnerie s'interromprait dès que le porteur oublierait de remonter le ressort spécifique à cette fonction. Pour éviter ce genre de désagréments, les horlogers ont imaginé un dispositif ingénieux. Celui-ci est composé d'un barillet dédié au mécanisme de sonnerie, il est équipé d'un ressort préarmé (tendu) en permanence. Ce ressort se recharge automatiquement grâce au mouvement principal de la montre, ce qui garantit qu'il dispose toujours d'une réserve d'énergie suffisante pour faire retentir la sonnerie au moment voulu.

Composants d'une montre de poche Audemars Piguet par Philippe Dufour à Grande Sonnerie (Source : SJX Watches)

Composants d'une montre de poche Audemars Piguet par Philippe Dufour à Grande Sonnerie (Source : SJX Watches)

Lorsque le mécanisme est déclenché (soit à intervalles réguliers pour une sonnerie au passage, soit selon un cycle déterminé pour les petites et grandes sonneries), l'énergie du ressort est transmise à un train de rouages qui entraîne plusieurs éléments essentiels… Parmi eux se trouvent notamment un râteau et un limaçon. Ces deux pièces travaillent ensemble pour déterminer le nombre de coups à frapper, en fonction de l'heure indiquée. Le râteau « lit » la position du limaçon, dont les profils en escalier correspondent aux heures et aux quarts, et transmet l'information aux marteaux.

Ces marteaux, généralement au nombre de deux ou trois, frappent ensuite de fins gongs métalliques enroulés à l'intérieur de la boîte. Le timbre ainsi produit dépend de la longueur et du matériau du gong, et c'est précisément de cette harmonie que naît la signature sonore propre à chaque montre. Pour que le rythme des frappes reste régulier, une sorte de régulateur de vitesse contrôle la libération de l'énergie et empêche la sonnerie de s'emballer.

Dans une petite sonnerie, la montre sonne automatiquement les heures et les quarts, sans répéter les heures à chaque quart. La grande sonnerie, quant à elle, répète systématiquement les heures à chaque passage de quart, offrant une lecture sonore complète mais nécessitant une gestion d'énergie et une précision mécanique bien plus élevées.

Au final, chaque déclenchement de sonnerie est le fruit d'une orchestration parfaite entre les rouages, les leviers, les marteaux et les gongs. Une mécanique vivante qui traduit la mesure du temps en musique, avec une régularité et une poésie typiquement horlogères !

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